Depuis un peu plus d’une vingtaine d’années, les sciences humaines et sociales ont rendu toute leur place aux imaginaires, en même temps que se développaient les courants de recherche en études culturelles ou se définissant en fonction des approches dites post-coloniales. Des « géographies imaginaires » d’Edward Said aux « communautés imaginées » de Bénédicte Anderson ou aux études des faits religieux voire à celles qui se donnent la mémoire pour objet, toutes les sciences sociales et humaines sont concernées par ces questionnements et il apparaît que les processus de mondialisation et les mobilités ont contribué à les renouveler pour produire « une approche nouvelle du rôle de l’imagination dans la vie sociale » pour reprendre une formulation d’Arjun Appadurai. Approche nouvelle qui concerne les sociétés présentes tout comme les sociétés passées.
L’objectif de cet axe est de mobiliser les outils et méthodes scientifiques pour les mettre au service d’une meilleure compréhension des « imaginaires », individuels et collectifs, politiques, religieux et sociétaux, qu’ils soient exprimés sous forme d’actions, d’œuvres, de pratiques ou de représentations.
Ceci concerne autant le rapport humain au temps qu’à l’espace. Au temps passé, tant les mémoires se nourrissent aussi des imaginaires ; au temps futur, que l’on imagine, désire et produit en fonction des imaginaires, car ceux-ci, donc, influencent les mémoires et autres formes de la présence du passé dans les sociétés et, dès lors, commandent l’articulation des temps. À l’espace, dans un contexte où les imaginaires locaux, nationaux et globaux sont sans cesse transformés dans les flux globaux ou en réaction à la mondialisation. Ainsi, de tout temps, en tous lieux, les sociétés humaines s’instituent sur la base de leurs imaginaires, ceux-ci ne sont pas un contre-point du réel, mais ce à quoi les sociétés se réfèrent pour comprendre le réel.
L’originalité et la force de notre MSH pour travailler à ce vaste champ est qu’elle est en mesure de fédérer et confronter des approches des imaginaires sur le temps long, de la préhistoire au présent, et sur des aires géographiques extrêmement diverses, permettant ainsi de tirer le plein profit de démarches comparatistes uniques.
Enfin, dès lors qu’on ne peut négliger l’importance des « images » elles-mêmes, les projets réunis dans le présent axe thématique ont aussi vocation à interroger leur rôle : cartes, images numériques, photographie, film, représentations scientifiques et artistiques, etc. Par exemple, considérons nos nouvelles capacités techniques de mise en image du passé, littéralement « ré-imaginé » grâce aux technologies 3D. Nos outils mêmes de recherche sont donc aussi questionnés, en tant qu’influencés et influençant nos imaginaires.