Si les circulations ont toujours façonné les sociétés, leurs formes n’ont cessé de varier dans le temps et l’espace et le terme de circulation recouvre des phénomènes de nature très diverse. Les questions liées aux circulations des personnes, des objets, des techniques, des imaginaires, sont au croisement de toutes les sciences sociales et humaines ; les travailler suppose de s’intéresser tout autant à leurs effets sur les territoires et la longue durée des sociétés que sur les organisations politiques et les reconfigurations des collectivités.
Une première série d’interrogations porte sur la régulation politique et institutionnelle des circulations : les manières dont elles sont saisies, canalisées, (ré)orientées, (im)mobilisées, les opérations de catégorisation et leurs conséquences sur les identifications individuelles et collectives et sur les territoires. Il s’agit de dépasser la dichotomie entre les tenants de la circulation, qui négligent souvent les frontières, les États ou les inégalités et ceux qui dénoncent les effets pervers de la mondialisation. L’étude des mouvements de populations, y compris les plus anciens, permet d’interroger le point de vue de l’Etat dont l’un des enjeux est le contrôle des populations, notamment en les fixant. Analyser les formes étatiques à partir des mobilités est l’occasion de poser, à rebours, la question de la sédentarité et de ses implications sur les personnes et les organisations politique, sociale et économique.
Une deuxième série d’interrogations concerne les transformations socio-économiques qu’induit la circulation de personnes, de marchandises, de capitaux, d’idées et de technologies. On examinera les reconfigurations du rapport à l’espace, à l’environnement, mais aussi à l’altérité. Ceci invite à explorer les situations de cohabitation, coprésence, conflit ou coopération entre les personnes récemment arrivées et celles établies de longue date. Loin de supprimer les frontières, les globalisations les ont multipliées : les frontières juridiques, sociales et culturelles sont sans cesse reconfigurées par les circulations qui modifient les rapports entre territoires et les relations à soi et aux autres. On insistera particulièrement sur les restructurations des rapports sociaux de sexe, genre et classe.
L’histoire des mouvements de populations ouvre une troisième série d’interrogations. Du recueil de vestiges matériels à l’interprétation des expressions culturelles et des sources archivistiques, l’articulation des différentes modalités et échelles d’analyse permet d’appréhender les circulations dans leur longue durée, de la préhistoire à aujourd’hui, en insistant sur les reconfigurations liées aux crises. On s’intéressera aussi aux différentes formes que les mémoires des circulations prennent – musées, littérature, pratiques de commémoration – et aux arrangements, adaptations, appropriations qui les traversent.
L’attention portée aux individus rassemble ces diverses approches. Par la restitution des histoires de vies et des trajectoires elle permet de saisir concrètement les modalités des expériences de personnes qui circulent et/ou font circuler, mais aussi de celles qui restent : processus de subjectivation, d’ajustement, de négociation, de contestation, mise en œuvre des savoirs-faire de la circulation.
L’axe Circulations privilégie l'expérimentation de formes alternatives de production et diffusion des connaissances. D’un point de vue méthodologique, l’usage d’outils et d’approches innovantes vise à saisir les différentes formes de circulations, en variant les échelles ou les entrées (objets, lieux, espaces, trajectoires, temporalités). La réflexion pluridisciplinaire permettra de questionner les évidences et les méthodes de chaque discipline, ouvrant la voie à de nouvelles perspectives théoriques et de nouveaux objets de recherche. On accordera une attention particulière aux usages de l’image, de la cartographie, du son et des ressources numériques comme outils de production tout autant que de diffusion de la recherche. Dans cette perspective, des collaborations avec différents univers artistiques peuvent être envisagées.