L’objectif de cet axe est de proposer une réflexion interdisciplinaire autour de l’objet et de l’« objectalisation », autrement dit ce qui devient ou ne devient pas objet. Cet axe ancre l’objet dans les réflexions communes aux disciplines de la MSH, mais il est aussi susceptible de générer des liens nouveaux avec d’autres domaines tels la philosophie et le design, qui interrogent et conçoivent des formes présentes ou futures d’objectalisation (de Dagognet à Gell en passant par Searles). Qu’est-ce qui devient objet ? Tout peut-il devenir objet ? La matérialisation a-t-elle des limites et pourquoi ?
Issu de la nature transformée, « tout objet transforme autre chose » (Baudrillard, 1968). L’intérêt que l’on peut porter à l’objet n’a pour ainsi dire aucune limite, puisqu’il embrasse tant le domaine de l’environnement en tant que pourvoyeur de ressources biotiques et abiotiques, que celui des techniques, de l’art voire de l’idéologie, que le contexte dans lequel il apparaît, comme celui de l’utilisation… la différence que faisait François Sigaut entre fonction et fonctionnement (1991).
Pris dans le présent de leur genèse et de leurs usages, les objets sont des acteurs du quotidien toujours en devenir. Dotés d’agentivité, ils « coopèrent » littéralement avec les humains, en même temps qu’ils participent de leur transformation et de celle de leur relation à l’autre. Autrement dit, penser les objets dans le passé comme dans le présent invite à considérer, outre la dimension socioculturelle, l’engagement réciproque de l’homme et du matériau.
L’objet en soi désigne un vaste ensemble de choses dotées non seulement d’une efficacité technique, mais également d’une efficacité sociale, affective ou émotive liée au statut, au rang, à la fonction ou à la position, mais aussi au prestige, à la pauvreté et à la richesse ou encore à l’esthétique, au charme et à la magie. Ainsi, l’objet est, avec plus ou moins de fiabilité selon le contexte dont il provient, marqueur de fonctionnalités, de représentations sociales et symboliques ou encore de projections dans le futur. Il est aussi l’expression d’une ressource, d’un lieu et de chaînes de conception, de production et de distribution. Ceci permet de suivre la trajectoire, de la matière première à la diffusion d’un produit fini, et d’y associer des acteurs (commanditaires, concepteurs, producteurs, distributeurs et consommateurs), des pratiques et des idéologies.
L’histoire de l’objet et de l’œuvre d’art peut aussi donner matière à réflexion, au travers des intentions premières de sa fabrication et de son utilisation, comme de ses réemplois ou recyclages. Résultats de processus matériels, qui concrétisent la durée d’une pratique et incarnent différentes formes d’organisations sociales, les objets servent d’appui à des opérations d’inférence susceptibles d’investir le passé comme le présent.
L’approche que nous proposons ici est résolument anthropologique mais s’appuie aussi fermement sur les compétences et plate-formes techniques mutualisées à disposition au sein de l’USR 3225. Celles-ci interviennent dans de nombreux champs d’application pour répondre tout autant à des problématiques technologiques et fonctionnelles sur des artefacts de natures diverses qu’à celles liées à l’identification structurelle des écofacts végétaux, animaux et minéraux présents dans les sédiments archéologiques.
Intégrant donc aussi bien les aspects matériels qu’immatériels des productions humaines, l’approche de l’axe « objets » est au cœur des recherches menées dans le cadre des sciences humaines et sociales et des sciences environnementales qui s’y associent, en lien aussi avec les partenaires des institutions patrimoniales.