Quels que soient les époques et les lieux, les sociétés humaines ont à composer avec la mort, à la fois comme fait biologique et comme phénomène social. À ce titre, la mort se présente comme un objet fondamentalement interdisciplinaire, qui appelle à croiser les méthodes et savoirs de différentes branches des sciences humaines et sociales. Dans cette perspective, quatre pistes de travail sont proposées pour cet axe de la MSH :
Économies funéraires et politique de la mort. Si toutes les sociétés sont confrontées à ce fait biologique constitutif de la condition humaine, les significations qu’on lui donne comme la façon dont on la prend en charge varient. Certaines sociétés rendent un culte aux défunts, tandis que d’autres tendent à encourager leur oubli. Quelle place accorde-t-on à la mort - et par extension aux mourants - dans la vie sociale ? La question pourra être envisagée dans une perspective économique (des prestations de deuil au marché funéraire) ou encore technologique (la place des morts sur les réseaux sociaux par exemple). Il s’agira par ailleurs de s’interroger sur l’instrumentalisation politique dont les morts peuvent faire l’objet et sur les modalités selon lesquelles les défunts sont susceptibles d’être hiérarchisés ou distingués.
Les réactions à l’événement de la mort. Par-delà la variabilité des représentations dont elle fait l’objet à travers les sociétés humaines, la mort suscite des réactions contrastées lorsqu’elle survient. Selon l’identité du défunt et les circonstances de son décès, certaines morts apparaissent plus “scandaleuses” que d’autres. Il importe donc de s’intéresser aux mobilisations et aux démonstrations de deuil collectif dont certaines morts peuvent faire l’objet (marches blanches, mémoriaux de rue, etc.). On pourra ainsi se demander ce qui fait qu’une mort est collectivement vécue comme “traumatique”, selon la violence qui l’entoure, et qu’elle emporte des individus particuliers (un enfant ou un personnage public) ou des collectifs (catastrophes naturelles, tueries, etc.).
Le rapport aux corps morts. Occultés ou objets d’ostentation, la dépouille et ses restes témoignent tout autant des conceptions de la mort que d’un discours destiné aux vivants. Dans cette perspective, une attention toute particulière devra être portée aux pratiques et traitements qui entourent les cadavres, cendres et autres restes humains, ainsi qu’à leur rôle dans la gestion sociale des morts ordinaires ou extraordinaires : rituels funéraires et commémoratifs bien entendu, mais aussi traitement médiatique et traitement médico-légal. On s’intéressera également aux pratiques mettant en scène le mort, dans la tombe ou hors de celle-ci, à ses représentations ou encore à l’utilisation de segments corporels ou d’attributs du défunt comme support de manifestations diverses : culte des reliques, trophées, substituts, etc.
La spatialisation de la mort. Nombre de dispositifs spatiaux sont dédiés aux morts ou à leurs restes, tout à la fois les cimetières, les formes données aux sépultures des morts ordinaires et extraordinaires, les monuments funéraires et leur architecture mais aussi les traces plus diffuses. Ces espaces funéraires, qui posent la double question de la place et du sens, seront interrogés comme support et expression de l’imaginaire et de l’univers matériel ou social. Si la spatialisation de la mort mobilise les pratiques funéraires, les discours sur la mort et ses représentations, les prescriptions juridiques ou religieuses, le rapport public/privé, elle est également le produit des politiques de gestion de la mort. Pour partie lieux d’expression du deuil et de construction de la mémoire ou de l’oubli, ce sont également des espaces en mouvement, porteurs de tensions ou de revendications de même que des marqueurs de différenciations sociales et culturelles qui soulèvent des enjeux politiques, patrimoniaux, mémoriels et identitaires.