Toutes les disciplines scientifiques sont concernées par l’humain, indirectement ou directement dans le cas des sciences humaines et sociales. Ce thème, pourtant rarement saisi comme tel, permet de stimuler des débats et des recherches interdisciplinaires entre les équipes de notre MSH, tout en ouvrant aux disciplines de nos sites universitaires et évidemment aux sciences exactes, mais aussi à des modes de connaissances différents, comme l’art.
En fournissant le modèle implicite d’une connaissance raisonnée et méthodique du réel, les sciences de la nature placent les sciences humaines et sociales, à partir du moment où elles s’insèrent dans un cadre institutionnel commun, dans la position épistémologique inconfortable d’avoir à composer avec un sujet rétif à l’objectivation et difficile à enchâsser dans un système déterministe. Il apparaît en effet que nos disciplines, la préhistoire, l’archéologie, l’histoire, l’ethnologie, la géographie, les études urbaines, la science politique sont concernées par l’humain, mais le plus souvent obliquement. Chaque discipline opère différemment, à partir d’un ensemble de raisons théoriques et méthodologiques, pour « transformer » l’être humain dans ses propres thèmes de recherche. Tantôt, il n’est retenu de l’humain qu’un de ses aspects ou compétences (ses capacités sociales, ses compétences techniques) ; tantôt, il est d’emblée traversé par une mise en perspective pour viser d’autres choses (les systèmes sociaux, les groupes, les cultures) ; tantôt encore, on s’intéresse à ses productions (l’art, les outils, l’habitat, la sépulture).
Il serait pertinent d’expliciter et de comparer diverses épistémologies. Qu’est-il fait, selon celles-ci, de l’être humain au sens strict du terme comme entité perceptible avec ses frontières ? Quand l’humain semble-t-il perdu ou gagné, tout au long d’une recherche ? Comment aborder l’individualité, en deçà ou au-delà des mises ensemble ? Par l’étude de ses représentations et la comparaison de leur diversité mais aussi par l’observation directe : Comment penser des méthodologies fécondes à cet effet ?
Le dialogue avec les expressions artistiques, la littérature, la peinture, la sculpture, mais pas seulement, peut-il permettre aux sciences humaines et sociales de se réinterroger sur leur propre épistémologie, en particulier de l’être humain ? Y a-t-il des thèmes, sans parler de leurs expressions, qui semblent possibles en art et impossibles en sciences humaines et sociales ? Comment tenter de les approprier dans nos disciplines ?
Dans le cadre du dialogue interdisciplinaire, on ne peut mettre de côté la question de la « nature humaine » ? Existe-t-il une unicité de l’humain tel que l’envisagent les différentes disciplines ? Y a-t-il une continuité de l’humain à travers ses différentes manifestations, un socle anthropologique commun universel, ou, au contraire, la fragmentation en genres, groupes sociaux, cultures, etc., compromet-elle toute approche globale ? Une perspective transdisciplinaire permet d’aborder cette question aux implications politiques profondes.
À l’heure où il est de plus en plus question d’humain augmenté, où les machines autonomes, voire pensantes, ne semblent plus entièrement hors du plausible, où le transhumanisme est débattu dans les magazines et devient un enjeu économique, il est légitime de nous interroger sur la façon dont notre objet d’étude traverse la mutation technologique actuelle.
Que dire également des humanités précédentes ? Quels enseignements tirer des traces qu’elles ont laissées dans ou sur le sol ? Comment interpréter les témoins matériels de gestes, activités et pratiques rituelles, domestiques ou techniques, de formes d’organisation et d’émergence de catégories ? Où trouver l’humain, entre reconstitution de chaines opératoires techniques et ostéobiographies et approches quantitatives des données archéologiques et historiques ?